Les ententes « de l’argent pour vos clés » constituent une pratique relativement courante que les locateurs utilisent depuis des années. Il s’agit d’une situation où un locateur offre une somme forfaitaire d’argent à un locataire pour qu’il quitte volontairement le logement. Dans la plupart des cas, les locataires vivent dans leur logement depuis de nombreuses années et respectent leurs obligations en vertu de la loi. Habituellement, c’est le locateur qui offre une entente « de l’argent pour vos clés » à ses locataires et non le contraire. Cependant, certains locataires tentent aussi de négocier une entente avec les locateurs qui cherchent à les expulser, en soutenant qu’ils n’ont commis aucun acte justifiant l’expulsion.
Les locataires devraient-ils signer une entente où le locateur leur offre un montant forfaitaire pour résilier leur bail, ce qu’on appelle une entente « de l’argent pour vos clés »?
Vous connaissez sans doute le vieil adage disant que si une offre semble trop belle pour être vraie, c’est probablement le cas. Pour les locataires, les ententes « de l’argent pour vos clés » peuvent s’avérer trop belles pour être vraies. Les locateurs offrent généralement ce genre d’entente uniquement parce qu’ils savent que convaincre un locataire de quitter son logement leur rapportera beaucoup d’argent à long terme (soit en louant le logement à une nouvelle personne pour le double du prix ou en vendant l’immeuble). Évidemment, les locataires peuvent demander de négocier une entente « de l’argent pour vos clés » avec leur locateur. Il revient ensuite au locateur de décider s’il accepte ou non.
Quoi qu’il en soit, les locataires doivent sérieusement se demander s’ils seront pris à payer plus cher au fil du temps pour trouver un logement locatif comparable dans leur collectivité s’ils acceptent une entente « de l’argent pour vos clés ». Pour certains locataires, vraisemblablement ceux qui soupçonnent qu’ils seront expulsés peu importe leur décision, il peut être sensé d’accepter une telle entente. Le choix de l’accepter dépend d’un certain nombre de facteurs et chaque situation peut être différente. C’est pourquoi il est toujours judicieux pour un locataire d’obtenir des conseils juridiques dans ce genre de situation.
Qu’est-ce qui rend ces ententes possibles?
Les ententes « de l’argent pour vos clés » sont favorisées par l’élimination du contrôle des loyers (qui permet aux locateurs de charger n’importe quel prix pour le loyer d’un logement inoccupé). L’élimination du contrôle des loyers encourage les locateurs à tenter d’expulser les locataires actuels dont le logement est protégé par le contrôle des loyers, afin de pouvoir demander beaucoup plus à un nouveau locataire. À une époque où le loyer moyen pour un logement d’une chambre à coucher s’élève à un prix record de 2 521,00 $ par mois à Toronto, bon nombre de locateurs savent qu’ils peuvent faire de gros profits en se débarrassant des locataires actuels.
La plupart des locataires expulsés de leur logement sont incapables de trouver un logement comparable pour un loyer similaire dans leur collectivité. Certains locataires qui se font expulser se retrouvent carrément à la rue ou sont forcés de quitter leur collectivité.
Aujourd’hui, il y a aussi une prolifération des locateurs financiarisés en Ontario par rapport aux années précédentes. Ces locateurs raflent régulièrement les logements abordables qui restent dans une collectivité. Une fois que l’immeuble leur appartient, ils tentent d’augmenter substantiellement les loyers pour répondre aux attentes de leurs actionnaires. Ainsi, ils feront tout en leur pouvoir pour se débarrasser des locataires actuels, y compris leur offrir des ententes « de l’argent pour vos clés ».
À quel point les augmentations de loyer sont-elles excessives? L’an dernier, une enquête de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a révélé que les loyers moyens demandés pour les logements inoccupés ont augmenté de 26 % à Hamilton, de 17 % à Ottawa et de 29 % à Toronto. Le revenu des gens, lui, n’a pas augmenté durant cette période. Il est tout simplement impossible pour la plupart des locataires ontariens de continuer de payer ce genre de loyer exorbitant, mais malgré cela, les locateurs ne cessent de l’exiger.
Pour des raisons évidentes, les locataires n’ont pas grand choix dans cette situation. Ils doivent se loger même s’ils parviennent à peine à payer le loyer. De plus, ce phénomène ne touche pas qu’une maigre portion de notre population. Les locataires forment aujourd’hui un tiers de la population ontarienne et on prévoit que cette proportion augmentera au fil du temps.
Que se passe-t-il si un locateur souhaite vendre son immeuble?
La loi ontarienne prescrit que les locataires ne sont pas forcés de partir simplement parce que l’immeuble où ils habitent est vendu. Tout locateur ou acheteur doit connaître la loi. Si un immeuble est déjà habité par des locataires, l’acheteur hérite de ces locataires et devient leur nouveau locateur.
Les retards actuels à la Commission de la location immobilière (CLI) pourraient inciter d’autant plus les locateurs à offrir ce genre d’entente à leurs locataires pour les chasser plus rapidement, qu’ils aient commis ou non des actes répréhensibles. Soulignons que les locateurs disposent de nombreuses options juridiques pour expulser les locataires si cess derniers sont en tort (la plupart des demandes d’expulsion déposées à la CLI sont motivées par un retard de paiement de loyer). C’est souvent lorsqu’un locataire n’a rien fait de mal et que le locateur veut simplement l’expulser que ces ententes « de l’argent pour vos clés » sont proposées. Il est toujours bon de se rappeler qu’il y a une différence entre ce qu’un locateur veut et ce qui est permis par la loi.
Il est trompeur de qualifier une entente « de l’argent pour vos clés » d’extorsion ou d’escroquerie de la part du locataire à l’égard de son locateur.Après tout, ce sont les locataires qui, en fin de compte, portent le fardeau de quitter leur logement, voire leur collectivité, et qui en paient le prix. Une telle décision peut avoir des conséquences à long terme sur leurs finances, leur bien-être et leur dignité. Ils ne profitent pas non plus des gains réalisés sur l’investissement du locateur, même si en fait, ce sont eux qui paient ses factures et son hypothèque.
La raison pour laquelle la crise du logement abordable est si grave, c’est parce que nos gouvernements ont laissé la provision de logements locatifs presque entièrement dans les mains du marché privé il y a plusieurs dizaines d’années, éliminant par le fait même les protections conférées par le contrôle des loyers. Toute discussion sur une entente « de l’argent pour vos clés » doit être considérée selon ce contexte. À l’heure actuelle, le marché du logement locatif penche encore largement en faveur des locateurs au détriment des locataires. Après tout, si ce n’était pas lucratif, ils ne seraient pas locateurs.