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La véritable raison derrière le dérèglement du marché locatif ontarien : l’absence d’un contrôle efficace des loyers.

Le marché locatif ontarien est déréglé. De nombreuses villes ontariennes ont connu un taux d’inoccupation historiquement bas en 2022, selon le rapport annuel sur le marché locatif récemment publié par la Société canadienne des hypothèques et du logement (SCHL). Dans la majorité des villes, le taux d’inoccupation a chuté de manière spectaculaire jusqu’à atteindre 1,9 % et moins. Il s’agit du taux le plus bas enregistré depuis 2001. Le prix moyen des loyers dans les grandes villes ontariennes a grimpé de 5 à 12 % par rapport à l’année dernière. Ce pourcentage est encore plus élevé pour les copropriétés. En gros, l’offre de logements locatifs est loin d’être suffisante et les logements disponibles sont excessivement chers.

Pour la première fois, le rapport de la SCHL montre l’impact réel qu’a l’élimination du contrôle des loyers sur le marché locatif. L’élimination du contrôle des loyers est une politique qui permet aux locateurs d’imposer le loyer qu’ils veulent pour un logement inoccupé, peu importe le montant payé par l’ancien locataire. Le rapport indique que le loyer moyen pour un logement de deux chambres à coucher loué à un nouveau locataire a augmenté de 18,2 % partout au Canada. Si on le compare toutefois aux logements occupés par des locataires actuels, on observe une augmentation de seulement 2,8 %.

Comment fonctionne actuellement le contrôle des loyers en Ontario?

Les locataires ontariens actuels sont protégés par le contrôle des loyers. Le locateur peut donc seulement augmenter le loyer jusqu’à concurrence de la limite permise par la province chaque année. Auparavant, le contrôle des loyers s’appliquait à tous les logements, même ceux qui étaient loués à de nouveaux locataires. Par contre, au milieu des années 1990, la politique d’élimination du contrôle des loyers a été adoptée. Depuis, le prix des loyers n’a cessé de monter en flèche. Le rapport de la SCHL montre également qu’en 2022, en raison de l’élimination du contrôle des loyers, le loyer des logements de deux chambres à coucher ayant changé de locataire a connu une hausse énorme, passant à 26 % à Hamilton, 17 % à Ottawa et 29 % à Toronto, par rapport à une hausse de 1,2 % pour les locataires actuels.

De plus, le contrôle des loyers ne s’applique pas aux logements locatifs qui ont été occupés pour la première fois le 15 novembre 2018 ou subséquemment. Ces locataires malchanceux ne disposent donc d’aucune protection. Leurs locateurs peuvent augmenter le loyer autant qu’ils le souhaitent. Et c’est exactement ce qu’ils font : des locataires sont venus nous consulter en panique parce que leur locateur leur avait imposé une augmentation de 20 % ou plus et qu’ils n’avaient pas les moyens de la payer.

Pour justifier l’élimination du contrôle des loyers et la faille qui sévit depuis 2018, les décideurs politiques affirment que l’offre s’en trouverait augmentée. De plus, ces changements sont survenus à une période où les gouvernements ont largement cessé d’investir dans les coopératives et autres formes de logement abordable. Aujourd’hui, une trentaine d’années plus tard, l’offre n’est toujours pas suffisante. La province doit construire au moins 10 000 nouveaux logements chaque année pour répondre à la demande de sa population croissante. Cependant, on a constaté la construction de seulement 5 500 logements par année en moyenne de 1990 à 2020.C’est environ la moitié de ce dont la population a besoin. Même des décennies après que ces politiques ont été adoptées, nous n’avons toujours aucune preuve montrant que l’élimination du contrôle des loyers augmente l’offre de quelque façon que ce soit.

Coût réel de l’élimination du contrôle des loyers

Par contre, ce qui ne fait aucun doute, c’est que l’élimination du contrôle des loyers et la faille qui sévit depuis 2018 constituent une catastrophe absolue pour l’abordabilité des logements. La situation est devenue tellement grave qu’une grande banque canadienne exhorte le Canada à doubler l’offre de logements subventionnés, affirmant que le Canada a l’un des taux de logements subventionnés abordables les plus bas parmi tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), soit 3,5 % de logements disponibles.

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie? Au lieu d’augmenter l’offre, ces politiques incitent les locateurs à expulser les locataires de leur logement pour pouvoir faire plus d’argent sur le dos d’un nouveau locataire. Ça signifie aussi que même si d’autres logements sont construits, tout ce qui entrera sur le marché locatif sera inabordable, puisqu’il n’existe plus aucun contrôle des loyers. Les locataires seront forcés de couper dans les autres besoins essentiels (comme l’alimentation), juste pour pouvoir se loger. Les expulsions (officielles ou non) se poursuivront sans qu’aucun contrôle n’y soit appliqué. Par conséquent, un plus grand nombre de locataires seront mis à risque d’itinérance.

Les choses n’ont pas à être ainsi. Les politiques adéquates peuvent corriger les erreurs du passé. Il faut renverser l’élimination du contrôle des loyers et abolir l’exemption de 2018 sur les nouveaux logements. Il est temps de rétablir une véritable accessibilité au logement pour la population ontarienne. Il est temps d’instaurer un véritable contrôle des loyers.