La Commission de la location immobilière est déréglée Les locataires et les locateurs attendent pendant des mois, voire des années, pour une audience. Les audiences ne sont également pas programmées de manière équitable. En effet, les locataires étant confrontés à des temps d’attente deux fois plus longs que les locateurs lorsqu’ils déposent leurs propres demandes.
Depuis 2020, malgré la suppression de tous les services en personne, le triplement du nombre d’arbitres et l’augmentation du budget de Tribunaux décisionnels Ontario (qui supervise la Commission), l’accumulation de cas à régler et les temps d’attente sont plus importants que jamais. Tribunaux décisionnels Ontario estime que l’accumulation de cas à régler s’élève actuellement à 40 000 cas et que les parties attendent encore de nombreux mois avant d’être entendues. Nous pouvons tous convenir qu’il s’agit d’un système défectueux.
Cependant, nous sommes alarmés par les appels de certains locateurs et lobbyistes qui souhaitent que la solution aux retards soit l’expulsion automatique pour non-paiement du loyer.
Il est prouvé que les expulsions automatiques sont préjudiciables et discriminatoires
L’idée n’est pas nouvelle. L’Ontario a mis en place un système similaire pendant près d’une décennie, jusqu’à ce que la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation soit adoptée.
L’ancienne procédure a été critiquée à juste titre. Il y a vingt ans, l’Ombudsman de l’Ontario, Clare Lewis, s’est penché sur les expulsions automatiques en cas de retard ou de non-paiement du loyer et a constaté que « de telles expulsions peuvent avoir des conséquences disproportionnées et oppressives pour les locataires vulnérables ». Il a conclu qu’elles pouvaient être discriminatoires à l’égard des Ontariennes et des Ontariens vulnérables.
Le propre arbitre de la Commission à l’époque a également estimé que cette pratique était « discriminatoire ». La ville de Toronto a également déterminé que dans 10 % de toutes les expulsions pour non-paiement du loyer, le locataire ne devait pas d’argent au locateur et que ce dernier devait même de l’argent à son locataire au moment de l’expulsion. Cela s’est produit parce qu’aucune audience n’a eu lieu et que les locateurs n’étaient pas tenus d’informer la Commission des paiements de loyer effectués après l’introduction de la demande d’expulsion.
La ville de Toronto a également constaté que les familles à faibles revenus étaient touchées de manière disproportionnée par la procédure d’expulsion :
- Près de la moitié (48 %) des locataires menacés d’expulsion étaient des familles avec enfants.
- Parmi les locataires menacés d’expulsion, 39 % étaient confrontés à une crise financière à court terme (perte d’emploi, licenciement temporaire, réduction des heures de travail, rémunération irrégulière ou changement d’emploi).
- Près d’un cinquième des locataires menacés d’expulsion ont déclaré que des problèmes ou des dépenses d’ordre médical avaient entraîné des retards de paiement.
- L’impact financier de l’expulsion, y compris les frais de déménagement, le premier et le dernier mois de loyer, l’entreposage des biens et les dépôts de garantie pour l’électricité, ont exercé une pression financière supplémentaire sur des ménages déjà en situation financière précaire.
- Les locataires ont fait état d’un stress émotionnel accru au sein de la famille, notamment d’effets négatifs sur les enfants qui ont dû quitter leur école et ont souvent dû vivre séparés d’un parent ou plus pendant que la famille trouvait un nouveau logement.
Nous savons déjà que les expulsions automatiques sont préjudiciables. C’est la raison pour laquelle la province a cessé d’y avoir recours.
Le non-paiement du loyer n’est pas toujours aussi simple qu’il y paraît
Oui, la majorité des demandes déposées auprès de la Commission concernent des expulsions pour cause de loyers impayés, communément appelés « retards de paiement ». Cela a toujours été le cas. Cependant, il est dangereux de considérer les demandes relatives aux retards de paiement comme simples ou directes.
En effet, certains locateurs mentent. Ils mentiront à leurs locataires et à la Commission. Les médias font largement état de la prévalence croissante des expulsions et des rénovations frauduleuses pour « reprise de possession ». D’autres locateurs présentent de fausses demandes pour retards de paiement à l’encontre de leur locataire dans l’espoir qu’ils ne vérifieront pas leurs preuves lors d’une audience. Certains exigent de leurs locataires qu’ils paient des augmentations illégales. Si le locataire refuse, ils introduisent une demande d’expulsion contre lui pour ne pas avoir payé une augmentation qui n’était même pas légale au départ. La raison pour laquelle certains locateurs ont recours à la fraude et à la désinformation est simple : ils peuvent gagner plus d’argent en relouant un logement vacant.
Les expulsions automatiques font fi du contexte, de l’équité et de la justice. Elles étaient néfastes à l’époque et le seraient encore aujourd’hui, d’autant plus que nous sommes au cœur d’une crise du logement abordable.
Qu’est-ce qui permettrait de régler l’accumulation de cas à régler au niveau de la Commission?
Les organismes juridiques, comme le Centre, desservent près de 100 000 locataires chaque année. Nous voyons les failles et nous savons quelles sont les solutions. Pour remédier aux inefficacités et aux dysfonctionnements de la Commission, nous proposons deux mesures.
Premièrement, la Commission devrait revenir à un modèle de programmation régionale. Lorsque la Commission a transféré ses activités en ligne, elle est passée d’une programmation régionale à une programmation provinciale. Cela a créé de super blocs d’audiences ingérables que les arbitres ont du mal à traiter en temps opportun.
Selon notre analyse, la programmation régionale réduirait le nombre quotidien de blocs d’audience de 47,5 en moyenne en 2021-2022 à 15. Elle réduirait le nombre de jours entre le dépôt de la demande et la première audience de 87,5 jours en moyenne à 30 jours. Elle permettrait d’économiser 3,1 millions de dollars de l’argent des contribuables en ramenant le nombre d’arbitres requis de 137 qui s’élève actuellement à 30.
Deuxièmement, la Commission devrait mettre fin aux audiences numériques par défaut. Les locateurs et les locataires s’accordent pour dire que cela ne fonctionne pas et entraîne des retards. Les tribunaux et les organes législatifs savent que les réunions en personne permettent de résoudre les problèmes plus rapidement et plus équitablement.
Ne suggérons pas si rapidement des mesures extrêmes comme solution, en particulier celles qui ont déjà échoué. La province dispose de bien meilleurs choix pour remédier aux défaillances de ces tribunaux, qui ne mettent pas en péril les droits fondamentaux.