Le poids des mots : Le gouvernement provincial ne peut plus se permettre d’ignorer l’omniprésence de la violence conjugale

À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes le 25 novembre, le gouvernement ontarien a une fois de plus refusé d’adopter le projet de loi 173 présenté en avril dernier. Le projet de loi 173 aurait déclaré la violence conjugale comme étant une épidémie en Ontario. Le gouvernement a plutôt réaffirmé la nécessité que le Comité de la justice poursuive ses recherches, même si des centaines d’experts ont déjà fourni des preuves substantielles pour appuyer la déclaration.

D’ailleurs, voilà maintenant plus de deux ans que l’enquête du comté de Renfrew sur les meurtres de Carol Culleton, d’Anastasia Kuzyk et de Nathalie Warmerdam a formulé 86 recommandations pour prévenir la violence conjugale. La première des 86 recommandations de l’enquête exhortait le gouvernement de l’Ontario à déclarer la violence conjugale comme étant une épidémie. Au total, 95 municipalités dans l’ensemble de la province ont répondu à cet appel.

La promulgation immédiate du projet de loi 173 serait un soulagement pour les survivantes à faible revenu qui se démènent au sein d’une autre crise majeure en Ontario : celle du logement abordable. 

La crise du logement en Ontario place les survivantes dans des situations précaires

Les locataires survivantes sont la plupart du temps forcées de quitter leur logement en raison de la violence conjugale qu’elles subissent. Après leur départ, elles sont piégées dans des cycles sempiternels alternant itinérance chronique et instabilité du logement. Un système de refuges surchargé, des listes d’attente stagnantes pour les logements sociaux et des loyers inabordables exposent les locataires victimes de violence conjugale à davantage de préjudices. Les survivantes n’ont d’autre choix que d’accepter n’importe quel refuge ou logement locatif pour éviter de se retrouver à la rue. Cette précarité a poussé certaines survivantes vers des situations d’exploitation, de discrimination et de violence sexuelle.

À l’heure actuelle, le système juridique en matière de logement néglige la nature systémique de la violence conjugale et la voit plutôt comme un problème individuel. Par exemple, les locataires survivantes peuvent être tenues responsables des actes de leur agresseur, ce qui peut mener à une expulsion. Lorsque des professionnels du droit défendent des locataires victimes de violence conjugale auprès de la Commission de la location immobilière, les arbitres prennent rarement en compte les conséquences de la violence conjugale qui ont donné lieu à l’audience. Par conséquent, les survivantes sont expulsées et ont peu de temps pour déménager, Cela ne fait qu’exacerber la crise de l’itinérance dans notre province.

Le projet de loi 173 est un outil juridique pour les survivantes

Le projet de loi 173 constituerait une déclaration claire du gouvernement affirmant que le droit des survivantes au logement doit être protégé et renforcé. Les professionnels du droit pourraient ainsi intégrer le projet de loi 173 à leurs efforts de prévention des expulsions et de défense des droits des locataires victimes de violence conjugale pour veiller à ce qu’elles ne soient pas tenues responsables des actes de leur agresseur ni expulsées au beau milieu d’une crise du logement. À l’instar des principes énoncés dans l’arrêt Gladue, qui exigent des tribunaux pénaux qu’ils prennent en compte la surreprésentation des Autochtones dans le système pénal, le projet de loi 173 forcerait les arbitres à tenir compte des réalités des survivantes en matière de logement et à réduire le nombre d’entre elles qui sont surreprésentées dans la population d’itinérants. Nous exhortons la province à adopter sans attendre le projet de loi 173. Il s’agit d’un projet de loi modeste, mais puissant, composé de seulement dix-sept mots. Le projet de loi 173 peut renforcer l’accès des survivantes à la justice, empêcher une victimisation secondaire par notre système juridique et améliorer la stabilité en matière de logement.

Le projet de loi 173 est une étape déterminante vers une réalité que les avocats qualifient depuis des décennies comme : l’éradication de la violence fondée sur le sexe.