En novembre dernier, le gouvernement provincial de l’Ontario a annoncé la création d’un Groupe d’étude sur le logement abordable. Le Groupe d’étude avait pour mandat d’étudier les mesures à prendre pour résoudre le problème du logement abordable dans la province. De nombreux défenseurs du logement se sont inquiétés du fait que les membres du Groupe d’étude provenaient en grande partie du secteur privé. La majorité des personnes nommées n’avaient pas d’expertise en matière de besoins fondamentaux relatifs au logement, de solutions de logement hors marché et/ou d’expérience vécue d’itinérance.
Le rapport final contenant les recommandations du Groupe d’étude a été publié le 8 février. La majorité des recommandations du Groupe d’étude portent sur l’augmentation de l’offre de logements et sur la simplification et l’accélération de l’obtention des autorisations municipales par les promoteurs.
Nous nous félicitons de l’attention renouvelée portée par la province au logement abordable et nous sommes d’accord avec certaines des recommandations, telles que l’élimination du « zonage d’exclusion » et la légalisation des d’immeubles à logements multiples. Cependant, il est important d’être clair : les solutions fondées sur l’offre et le marché ne résoudront pas à elles seules la crise du logement en Ontario. Si nous ne faisons pas d’efforts sérieux pour maintenir l’offre restante de logements abordables, la situation ne fera que s’aggraver. Il est donc décevant de constater que le Groupe d’étude n’a pratiquement pas mentionné d’investissement gouvernemental dans le maintien de l’offre existante de logements locatifs abordables.
Depuis 15 ans, nous avons perdu des logements abordables sans construire suffisamment de logements pour les remplacer. En conséquence, les loyers moyens ont monté en flèche. Plusieurs facteurs sont responsables de la perte continue de logements locatifs abordables dans l’ensemble de l’Ontario. Deux d’entre eux étaient des décisions politiques prises dans les années 1990. La première est la suppression du contrôle des loyers pour les nouveaux logements, qui s’appliquait pour la première fois aux bâtiments construits après 1991. Selon l’idéologie néo-libérale de l’époque, l’idée était que la suppression du contrôle des loyers inciterait les promoteurs à augmenter le développement de logements locatifs construits à cet effet. Cet afflux supposé de logements locatifs suffirait à maintenir les prix à un niveau abordable pour les locataires.
La politique de 1991 a échoué. En 2017, le gouvernement Wynne a brièvement mis fin à l’échappatoire de 1991 pour les nouvelles constructions. En 2018, le gouvernement Ford a décidé de revenir sur cette décision et a estimé que tout logement à usage d’habitation occupé pour la première fois après le 15 novembre 2018 serait exempté des règles de contrôle des loyers. Cela signifie que les locateurs n’ont pas à se conformer aux augmentations annuelles de loyer fixées pour les locataires de constructions récentes. La population ontarienne commence déjà à voir le Impact dévastateur de ce changement. L’absence de contrôle des loyers pour les nouveaux logements sera encore plus ressentie dans les collectivités qui se développent rapidement et qui comptent un pourcentage élevé de constructions récentes, comme les municipalités de la région du Grand Toronto.
Une autre politique est entrée en vigueur dans les années 1990, appelée Élimination du contrôle des loyers, qui a supprimé le contrôle des loyers pour les logements vacants. L’absence de contrôle des loyers pour les logements vacants permet aux locateurs de faire payer aux nouveaux locataires ce qu’ils veulent, les incitant ainsi à mettre régulièrement à la porte les locataires de longue date. S’ils sont expulsés, les locataires paieront souvent des centaines de dollars de plus par mois pour leur nouveau logement locatif. À Toronto, on a estimé que « les loyers demandés dans la ville pour les logements locatifs existants construits à cet effet sont jusqu’à 40 % plus élevés que les loyers moyens sur le marché ».
Il ne peut y avoir d’effet causal prouvé entre ces politiques d’élimination du contrôle des loyers et l’augmentation du nombre de nouveaux logements abordables construits à cet effet. La demande locative continue d’être satisfaite par les appartements en copropriété et les appartements secondaires. De 1995 à 2020, l’Ontario n’a construit en moyenne que 5 500 nouveaux logements par an. Cela représente moins de la moitié de ce qui est nécessaire pour répondre à la demande.
Aucune de ces politiques datant des années 1990 n’a tenu ses promesses. Nous avons plutôt assisté à une augmentation explosive des loyers et à une hausse des expulsions de mauvaise foi au cours des 30 années qui ont suivi. Si nous ne rétablissons pas un véritable contrôle des loyers, nous continuerons à voir disparaître les logements locatifs abordables.
Un autre facteur de la crise actuelle du logement est la disparité entre les municipalités en ce qui concerne les règlements relatifs à la démolition et à la transformation. Certaines municipalités, comme Mississauga et Toronto, ont adopté des règlements de protection des logements locatifs afin de préserver leur parc de logements locatifs abordables, mais elles sont minoritaires. Ces règlements sont flexibles et réactifs, car ils n’empêchent souvent la démolition et la conversion des logements locatifs que lorsque les taux de vacance sont inférieurs à un certain pourcentage, généralement 3 %. L’uniformisation à l’échelle de la province serait un autre moyen de préserver l’offre actuelle de logements locatifs abordables.
Pour toutes ces raisons, la décision prise par la province de faire en sorte que le Groupe d’étude sur le logement abordable se concentre principalement sur des solutions fondées sur l’offre et le marché est erronée. Traiter le logement principalement comme une occasion d’investissement pour les promoteurs et les locateurs a mis l’Ontario dans ce pétrin; continuer à faire la même chose ne nous en sortira pas.