Projet de loi 184 – Cinq modifications de la loi que les locataires doivent connaître

Le projet de loi 184 de l’Ontario, surnommé « projet de loi sur l’expulsion » par les locataires, a reçu la sanction royale. Le projet de loi est un ensemble d’amendements à la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation en faveur des locateurs, qui augmenteront l’insécurité en matière de logement en Ontario, feront grimper les loyers et accéléreront la perte de logements abordables.

Alors que les locataires et leurs défenseurs se sont battus avec acharnement pour arrêter le projet de loi 184, ces efforts ont été ignorés par le gouvernement progressiste-conservateur. Plus inquiétant encore, l’adoption accélérée du projet de loi 184 coïncide avec la levée du moratoire sur les expulsions à la fin du mois de juillet et la réouverture de la Commission de la location immobilière (CLI) en août. Cela signifie que les expulsions, et leur exécution reprendront en août alors que la pandémie constitue toujours une menace pour la santé de la population ontarienne.

Voici cinq modifications de la loi que les locataires doivent connaître.

Expulsion accélérée grâce à des accords de remboursement

Le projet de loi 184 modifie les dispositions de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation concernant les accords de remboursement conclus en dehors de la Commission de la location immobilière (CLI). Désormais, un locateur peut proposer à un locataire (sans consentement préalable) un plan de remboursement à prendre ou à laisser, dont les dispositions sont inabordables pour le locataire, et qui inclut une clause de l’article 78 permettant au locateur de demander une ordonnance d’expulsion (« ex parte ») sans audience ni préavis si le locataire ne respecte pas l’accord.  Si un locataire reçoit une ordonnance d’expulsion par la poste, il dispose de 10 jours pour déposer une requête en annulation de l’ordonnance d’expulsion et demander une audience à la CLI afin d’expliquer sa situation.

Les locataires qui se voient proposer un plan de remboursement par leur locateur doivent faire preuve de prudence. Les locataires devraient demander conseil à leur organisme juridique ou à l’avocat de service en droit du logement. Ils doivent lire attentivement et comprendre chaque disposition et ses conséquences.  Un locataire n’est pas tenu de signer ce qu’il ne comprend pas ou qu’il ne peut pas se permettre. Les locataires ont également le droit de présenter au locateur leur propre plan de remboursement, avec des dispositions qu’ils sont sûrs de pouvoir respecter en fonction de leurs revenus.  Si le locateur et le locataire ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un plan de remboursement raisonnable, l’affaire est portée devant la CLI. Toutefois, lors de l’audience, l’arbitre examinera si le locateur a proposé au locataire un plan de remboursement dans sa décision. Le locataire doit expliquer pourquoi il estime qu’il n’est pas juste ni possible de le signer.

Les locateurs peuvent amener d’anciens locataires devant la CLI

Les locateurs disposent désormais d’un délai de 12 mois après le départ d’un locataire pour amener un ancien locataire devant la CLI, plutôt que devant la Cour des petites créances. Bien que la Cour des petites créances dispose de règles strictes en matière de remise de documents juridiques aux anciens locataires afin de s’assurer qu’ils sont au courant de la procédure judiciaire engagée contre eux, la Commission confie au locateur le soin d’aviser le locataire au sujet de la demande et de l’audience. En d’autres termes, il est possible qu’un ancien locataire ne sache pas qu’il fasse l’objet d’une procédure devant la CLI et ainsi ne pas se présenter à l’audience, ce qui donne lieu à une ordonnance contre lui que le locateur peut faire exécuter. Si un ancien locataire reçoit une ordonnance à son encontre, il doit demander l’assistance d’un avocat et déposer une demande de révision auprès de la Commission.

Les locataires doivent donner un préavis s’ils désirent invoquer l’article 82 au moment de l’audience relative aux retards de paiements

L’article 82 de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation prévoit que les locataires ont le droit de parler des problèmes liés à leur logement lors d’une audience relative aux retards de paiements, qui peuvent avoir contribué à l’accumulation des retards de loyer ou à la réduction du montant dû par le locataire. Le problème le plus courant soulevé par les locataires est que leur locateur n’a pas effectué les réparations nécessaires. Les locataires sont désormais tenus d’envoyer un préavis écrit à leur locateur faisant état des questions qu’ils comptent soulever pendant l’audience. Les locataires qui ne fournissent pas de préavis devront expliquer à la Commission pourquoi ils n’ont pas informé le locateur par écrit de leurs problèmes.  Si la CLI empêche le locataire de soulever ses problèmes pendant l’audience, le locataire devra déposer sa propre requête contre le locateur s’il souhaite soulever ces problèmes.

Les nouvelles modifications de la Loi exigent des locataires qu’ils aient des connaissances juridiques ou qu’ils soient représentés par un avocat afin de préparer leurs arguments bien avant l’audience. Comme le montre le dernier rapport du Centre, presque tous les locataires n’ont pas été représentés à leur audience (moins de 3 % des locataires l’ont été), alors que près de 80 % des locateurs étaient représentés à leur audience. La plupart des locataires ne sont pas familiers avec les processus juridiques et n’ont pas l’expérience ni la formation nécessaires pour rassembler les données, présenter des arguments juridiques et se représenter eux-mêmes dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Les augmentations de loyer illégales deviennent légales après 12 mois

Le projet de loi 184 permet de considérer qu’une augmentation de loyer illégale devient légale si le locataire ne la conteste pas dans les 12 mois suivant l’augmentation. Cela signifie que si le locataire apprend que l’augmentation de son loyer était illégale après les 12 mois de paiement du montant du loyer, il n’est plus en mesure de contester l’augmentation, car le loyer est alors considéré comme légal. Les locataires doivent lire attentivement leur avis d’augmentation de loyer. Le locateur doit donner aux locataires un préavis de 90 jours avant l’entrée en vigueur de l’augmentation de loyer. Les locataires de logements à loyer réglementé devraient consulter les règles relatives aux augmentations annuelles des loyers et confirmer que le locateur a calculé correctement l’augmentation de loyer. Si l’avis est incorrect, le locataire n’est pas tenu de payer l’augmentation de loyer.  Si un locataire découvre une erreur après avoir commencé à payer le nouveau loyer, il peut présenter une requête auprès de la CLI pour que les fonds lui soient restitués.

Indemnisation, divulgation et amendes accrues pour les expulsions non fondées

Plutôt que de s’attaquer au principal facteur à l’origine des expulsions de mauvaise foi, soit l’élimination du contrôle des loyers, le projet de loi 184 a ajouté des exigences et des recours supplémentaires aux dispositions relatives aux expulsions non fondées de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation.

Les locateurs doivent joindre leurs affidavits à leur demande d’expulsion pour reprise de possession par le locateur ou l’acheteur. Ils doivent également indiquer s’ils ont déposé des avis d’expulsion non fondés au cours des deux dernières années. De même, les locataires expulsés de mauvaise foi, les locataires vivant dans un immeuble de moins de cinq logements en cours de rénovation ou de démolition ainsi que les locataires expulsés pour la reprise de possession par l’acheteur ont également droit à une indemnité d’un mois de loyer, que le locateur doit payer avant la date de résiliation de la convention.  Si ces conditions ne sont pas remplies, l’avis est nul.

Lorsqu’un locataire introduit avec succès une requête pour expulsion de mauvaise foi contre son locateur, la Commission peut ordonner au locateur de verser au locataire un nouveau recours appelé « indemnité générale » d’un montant ne dépassant pas 12 mois de loyer, en plus des autres recours dont dispose le locataire, comme le montant du « différentiel de loyer » sur 12 mois.  En outre, le délai de prescription pour le droit de premier refus d’un locataire de réintégrer son logement rénové a été étendu à deux ans après que le locataire a quitté le logement.  Les amendes pour expulsions illégales ont été portées à 50 000 dollars pour une personne physique et à 250 000 dollars pour une personne morale.

Ressources pour soutenir les locataires

En adoptant le projet de loi 184, le gouvernement provincial a décidé de répondre aux préoccupations de longue date concernant la CLI en diminuant les droits des locataires plutôt qu’en remédiant aux retards de la Commission. Problème que le gouvernement Ford a exacerbé en retardant la nomination d’arbitres qualifiés.

Dans ce nouveau climat, il est vital que les locataires s’informent sur leurs droits juridiques, forment des associations de locataires pour faire entendre leur voix collective et recherchent un soutien juridique auprès de leurs cliniques juridiques locales et d’autres services juridiques qui fournissent des conseils et des renseignements pro bono.

Consultez nos fiches-conseils pour locataires pour vous aider dans vos demandes et vos auditions.